30 juin 2010

Le roi Soleil

Et voilà, la Mid’ est passée. A toute vitesse. Une semaine bien chargée, riche en émotions, découvertes… Un bon break, comme une semaine de vacances. Nous avons ri, fait la fête, découvert de nouveaux talents, fait du sport, dansé… Voilà maintenant la rentrée, chacun se remet au travail !

Un joli coucher de soleil, à 13h50…

… 14h10 …

… et 14h30 !

Dans l’esprit de beaucoup, la Mid représente un vrai moment charnière.
Il y a « l’avant-Mid », l’entrée dans l’hiver, la nuit chaque jour plus présente, et « l’après-Mid », avec le retour des beaux jours, du soleil, et l’arrivée de R0 à la clé. Heu, nous découvrons aujourd’hui que les jours rallongent certes, mais que l’hiver est loin d’être terminé… En effet, les semaines les plus froides ne sont pas encore passées. Nous avons eu un beau mois de juin ensoleillé, mais il faut paraît-il s’attendre à avoir quelques belles tempêtes en juillet-août. Alors les grandes sorties banquises sous un magnifique soleil, eh bien, ça sera peut-être plutôt pour fin août !

Lors d’une longue sortie banquise

Le soleil est un peu au centre de l’attention de tout le monde.
Plusieurs jours de temps nuageux à ne pas voir le soleil, et c’est le moral qui en prend un coup. Pendant la Mid’, le repas du midi était avancé pour profiter au maximum des 2 heures pendant lesquelles le soleil était présent. Dès que le soleil se montre, j’essaie d’être dehors pour en profiter, pour apprécier chaque petit rayon qui me parvient… J’arrange souvent mes ballades en fonction du soleil, pour le voir un maximum, et être au meilleur endroit quand il se couche.

La longue nuit a également son charme, pouvoir admirer des aurores australes dès 17h, faire la grasse matinée en se levant malgré tout « aux aurores » (avant le soleil), admirer le ciel étoilé pendant la matinée, voir la lune se lever au dessus du glacier, observer la lune et le soleil se lever en même temps…

Le 24 juin, vers midi, le soleil pointe son nez entre 2 nuages… Tout le monde quitte le repas en vitesse pour profiter du spectacle !

A la manchotière, les premières femelles sont de retour, ce qui met enfin un peu d’animation. A leur retour, les femelles font le tour de la colonie en chantant à intervalles réguliers, jusqu’à ce que leur mâle leur réponde. Nous guettons maintenant le premier poussin, qui ne devrait plus tarder… Tous aux jumelles pour essayer de savoir si tel ou tel mâle promène un œuf ou un poussin dans sa poche incubatrice… C’est à celui qui verra la première boule de plumes !


Idée reçue n°8 : en Antarctique, il fait nuit pendant 6 mois, et jour pendant 6 mois.

Voilà le raccourci que font beaucoup de personnes. Combien de fois ai-je entendu : « Tu pars en Antarctique, mais tu vas vivre une nuit de 6 mois, tu es folle ! »… Certes au sud du cercle polaire antarctique, il y a en théorie une période de l’année pendant laquelle le soleil n’est pas visible, comme cela est le cas au nord du cercle polaire arctique. Plus on se déplace vers le sud par rapport au cercle polaire antarctique, plus cette « nuit polaire » va être longue.

En réalité, les choses sont un peu plus nuancées. Lorsque le soleil rase l’horizon, les couches basses de l’atmosphère étant plus chaudes que les couches hautes, un phénomène de réfraction incurve légèrement les rayons du soleil vers le haut. Ceci explique qu’à DDU (66°40S), situé légèrement au sud du cercle polaire antarctique (66°33S), même aux alentours du 21 juin, on voit le soleil chaque jour. Il est en réalité juste en dessous de l’horizon, mais la réfraction nous permet de le voir au-dessus. Ainsi au 21 juin le soleil reste visible durant environ 2h20 à DDU. D’un jour à l’autre, les heures de lever et de coucher peuvent légèrement varier en apparence, en fonction de la température de l’air et de la banquise, ou de la présence de polynies, qui vont jouer sur l’intensité de la réfraction. Ce phénomène permet également d’observer de très jolis rayons verts, bleus ou rouges, au moment du lever et du coucher du soleil.

L’altitude jouera également dans certains cas un rôle sur les heures de lever et de coucher du soleil. A Concordia, à 75°05S, la nuit polaire dure environ 3 mois et 1 semaine. Le plus au sud possible, au pôle sud géographique, la nuit polaire dure 5 mois et 3 semaines.

En été, nous devrions également avoir toute une période pendant laquelle le soleil ne se couche pas. Mais du fait de la présence du continent, il y a quelques heures chaque jour (environ 2h au minimum) pendant lesquelles on ne le voit pas (il est masqué par la calotte de glace), même aux alentours du 21 décembre.

Finalement, à DDU, il n’y a ni nuit permanente, ni jour permanent… Encore un mythe qui s’effondre :)?

Course du soleil le 20 juin (le 21 juin, le temps était si couvert que l’on n’a pas vu le soleil) : lever vers 13h30…

… 13h35, le soleil est à son point le plus haut …

… 13h55, il est couché !

Enfin, je vais à nouveau réaliser une émission radio à dédicaces, la semaine du 12 juillet. Le principe est le même que les fois précédentes: vous me laissez via mon blog ou mon e-mail le nom d’une chanson, de l’interprète, de la personne à qui vous souhaitez faire la dédicace, avec éventuellement un petit message. La fois précédente nous avions reçu un grand nombre de dédicaces, et je peux vous assurer que tout le monde avait été très touché. Nous comptons sur vous :) !

21 juin 2010

Happy Mid'Winter !

Nous voici en pleine Mid’Winter, depuis dimanche soir 20 juin. Au programme, 6 jours de festivités avec des soirées à thèmes, des incontournables (le feu de la Saint Jean, l’élection du 11TA qui remplace le DisTA durant la Mid, un match de foot sur la banquise…) et des choses un peu plus originales (une pièce de théâtre que nous finissons de monter, un jeu de rôle en fil rouge…). Ces derniers jours, la base était donc en pleine effervescence, entre répétitions et préparation des activités, le tout sur fond de campagne électorale… De quoi casser le quotidien et animer les longues nuits. Hier, pas moins de 7 partis se sont présentés à l’élection du 11TA… Finalement, tout le monde s’est mis d’accord juste avant l’élection pour élire quelqu’un qui ne s’était pas présenté et ne se doutait de rien, notre chef centrale Jean-Pierre. Voilà qui montre l’aspect bon enfant de ces élections !

Qui dit Mid dit aussi moitié de l’hivernage… Je viens de vérifier, d’ici une semaine, plus de jours nous sépareront du départ de R4 que de l’arrivée de R0… C’est incroyable la vitesse à laquelle les jours peuvent défiler…

Lever de soleil

Empereur qui quitte l’archipel au soleil couchant

Nous sommes aux alentours du 21 juin, donc au creux de la vague concernant la longueur des jours. Nous observons le soleil (quand les nuages le permettent) durant 2h20 seulement chaque jour… Il se lève vers 11h20 et se couche vers 13h40… Rassurez-vous, les levers et couchers de soleil n’en finissent pas, donc on peut rajouter plus d’1h de luminosité le « matin » et le « soir », quand le temps est au beau… Les couleurs sont magnifiques, le soleil rase l’horizon…

Coucher de soleil à rallonge : le soleil semble couché derrière un berg… Mais il rase tellement l’horizon qu’il réapparaît de l’autre côté du berg !

Les températures deviennent franchement hivernales, et les tempêtes un peu plus fréquentes.

Avec -25.8°C la semaine dernière, nous avons battu notre record de froid, ainsi que celui de la mission précédente :).

Mur de neige : l’espèce de nuage que l’on voit en arrière plan est en fait de la neige soulevée par le vent… Quand un mur de neige arrive sur l’île, le vent se déchaîne et la visibilité devient très faible…

Notre territoire de jeu s’est agrandi : nous pouvons maintenant nous déplacer dans un cercle de 5 km de rayon. Et je peux vous dire que ça change beaucoup de choses ! C’est tout un nouveau territoire que nous découvrons, riche en bergs aux formes et couleurs variées… Un vrai bonheur ! Lors de ma première sortie dans la zone nouvellement ouverte, j’avais l’impression de partir en vacances et de découvrir une nouvelle région…

« Black berg » aux couleurs chocolat

La banquise s’étend sur des kilomètres…

J’ai également eu la chance de voir un berg se retourner… C’est plutôt rare d’en voir. Ça n’arrive pas souvent, et il faut être là au bon moment… Nous étions tranquillement à la manchotière à regarder les empereurs, quand nous avons entendu un énorme craquement… Vite, j’ai levé les yeux vers le glacier, pensant qu’un morceau s’effondrait, comme cela arrive de temps en temps. Mais quelle n’a pas été ma surprise de voir un berg, situé à une centaine de mètres devant le glacier, disparaître progressivement dans l’eau, puis une énorme vague sortir du trou, et ensuite le berg réapparaître, à sa position d’équilibre, donc la partie saillante dessous (celle qui était auparavant au-dessus), et la partie davantage plane sur le dessus. L’évènement a duré quelques secondes seulement, mettant en mouvement des tonnes de glace, puis la banquise a retrouvé son calme, comme si rien ne s’était passé… Les empereurs n’ont même pas bronché. Il faisait bien froid ce jour là, sans vent, rien ne laissait suspecter qu’il allait se retourner… Impressionnant !

Le 42 au soleil couchant


A la manchotière, c’est calme, très calme ! Les mâles continuent de couver, imperturbables… D’ici quelques jours, nous allons pouvoir commencer à guetter l’apparition du premier poussin…



Pas d’idée reçue cette semaine, pour cause de Mid’Winter, RDV la semaine prochaine !

Aurore particulièrement esthétique grâce à la présence de nuages

8 juin 2010

Une semaine d'hiver à DDU

Nous avons ces jours derniers pu profiter de quelques tempêtes hivernales… Ce week-end, le catabatique nous a bien secoués, avec une rafale maximale à 174 km/h… Ce catabatique est vraiment impressionnant, il souffle violemment, projetant de la neige qui s’infiltre partout, et en l’espace de quelques minutes il peut retomber, laissant apparaître un ciel d’un bleu limpide… Grâce à tout cela, retour à la case départ avec une polynie qui atteint pratiquement la piste du Lion…

Coucher de soleil à 14h

La manchotière est calme, les mâles continuent d’incuber en attendant le retour des femelles. C’est étrange, cette année, dès leur arrivée les empereurs se sont divisés en deux groupes éloignés de quelques centaines de mètres. Nous pensions que les deux groupes allaient se rassembler, mais ils sont restés séparés, et nous pouvons observer deux manchotières distinctes. L’une est proche de l’île, à quelques dizaines de mètres de la Pointe Noire, et l’autre est un peu plus éloignée, située derrière l’île de Rostang.





Je vais aujourd’hui vous évoquer les activités qui rythment la vie de la base pendant notre hivernage, en vous expliquant le déroulement d’une semaine « type ». Globalement, le rythme est beaucoup plus tranquille qu’en campagne d’été…

Le lundi, comme tous les jours, Baptiste le sismo-magné réalise une émission de Skuarock de 18h à 18h45. Pour le premier jour de la semaine, la chronique : « L’hebdo des manchots » retrace les points forts de la semaine passée. Juste après l’émission, la réunion hebdomadaire se tient au séjour. La parole est tour à tour donnée à chacun. Coups de cœur et coups de gueule, les échanges sont parfois animés, mais nécessaires à un bon fonctionnement de la mission.

Le mardi ou le jeudi soir, nous suivons depuis quelques mois des cours sur l’énergie, filmés dans une école d’ingénieur et visionnés par Baptiste. Ils nous permettent de réfléchir sur les sources d’énergie, les causes de pollution, les conséquences du réchauffement climatique... Ces cours attirent une grande partie de la mission. Je me croirais de retour à l’école, ce qui est plutôt amusant.

Le mercredi soir, Sophie, qui est franco-espagnole, nous propose désormais des cours de conversation en espagnol. Il est bien agréable de pouvoir entendre pendant quelques minutes cette jolie langue. Quant à la parler, c’est une autre histoire, les cours du lycée sont bien loin… Le vendredi soir, des sessions jonglage rassemblent de temps en temps quelques amateurs au séjour. Attention à la casse, tout n’est pas toujours bien contrôlé… Le samedi, la manip vivre se tient juste après le repas du midi, si la météo le permet. En fin d’après-midi, l’émission quotidienne de Skuarock est souvent consacrée à un jeu, en général un blind-test. Le niveau est élevé, et la plupart du temps s’affrontent les équipes « séjour », « technique », « météo », « biomar », avec parfois des coalitions. Ensuite la soirée peut être animée, avec des soirées à thème, ou alors plus calme, avec par exemple des jeux de société, ou la projection d’un concert au salon.

Le dimanche, comme en métropole, la base fonctionne un peu au ralenti. Christopher nous prépare croissants, pains au chocolat et pains aux raisins pour le petit déjeuner, qui se tient jusqu’à 9h30. Peu de personnes travaillent ce jour-là, l’heure est donc aux lessives, balades dominicales sur la banquise, goûter… Le midi, on sort les nappes et les belles assiettes et on mange un peu plus tard. Pour clore cette semaine de façon conviviale, un film est diffusé au séjour sur grand écran après le dîner. On se croirait au cinéma, et chacun a ses petites habitudes.
Depuis quelques semaines, des pseudo-publicités tournées sur la base par des hivernants sont diffusées avant le film.

Lors des soirées libres pendant la semaine, ont parfois lieu des présentations d’hivernants, des jeux de société, jeux de carte, projections de concert…

Tous les jours, Michel le radio apporte au salon le « 20 minutes » et des dépêches AFP, ainsi que de temps en temps des dépêches de sport. Le bulletin météo est accroché par Didier ou JB avant le dîner. Si un évènement particulier doit être annoncé, ou si quelqu’un a un message particulier à faire passer, on sonne les carafes d’eau pour demander le silence, puis on s’exprime en début de repas.

La semaine s’organise donc ainsi, avec tous les 15 jours environ une journée de « service base » à effectuer. Pour ce qui est du travail, je m’organise un peu comme je veux ; privilégiant les balades en début d’après-midi, je préfère travailler quand il fait nuit, en début et en fin de journée. Ma charge de travail durant l’hivernage est de toute façon assez réduite, ce qui fait une moyenne avec la campagne d’été où le rythme est soutenu.

Coucher de soleil sur l’Ile des Pétrels, à 14h30

Le glacier de l’Astrolabe

Idée reçue n°7 : les conditions de vie sur une base polaire sont extrêmes.

Beaucoup d’entre vous pensent que la vie est très rustique ici, que cela manque de confort. Encore une fois, ceci était certainement le cas il y a quelques années, mais est bien moins vrai aujourd’hui. La vie à DDU est très confortable. Vous savez déjà que l’on y mange très bien, ce qui est fondamental. Nous avons chacun une chambre individuelle meublée (lit, bureau, étagères, armoire). L’intérieur des locaux est très bien chauffé (il fait plus de 20°C dans les chambres). Nous pouvons prendre des douches chaudes aussi régulièrement que nous le voulons (enfin, dans la limite du raisonnable !). Nous pouvons communiquer avec l’extérieur via les mails, les fax ou le téléphone satellite. Nous bénéficions d’une salle de sport, d’un écran pour projeter des films, d’un billard, d’un babyfoot, d’une bibliothèque, d’une vidéothèque… Nos horaires de travail sont souvent modulables, nous n’avons pas à faire les courses, ni payer de factures, pas à préparer à manger… Nous vivons sans craindre le vol (rien n’est fermé à clé), aucune pièce ou billet ne circule sur la base, les seules réelles contraintes que nous avons sont liées au travail, à la sécurité et à la vie en collectivité.

Alors oui, les conditions de vie sont extrêmes ici… extrêmement plaisantes...

Enfin, une petite surprise pour finir. Je vous fais régulièrement profiter d'images d'animaux et de paysages, mais difficile de se faire une idée des choses quand il manque les autres sens… Faute de pouvoir vous faire sentir les effluves laissés par les colonies de manchots, voici un exemple de chant d'empereur mâle, d'empereur femelle, et des chants de poussins d’une crèche. Vous remarquerez que les chants mâle et femelle n’ont pas le même rythme, ce qui est la meilleure façon de différencier les deux sexes. Les autres façons sont de voir une copulation, d’observer le cycle (la première partie de l’incubation est effectuée par le mâle), ou de comparer les tailles (dans un couple, le mâle est souvent légèrement plus grand). Des méthodes génétiques de sexage sont également possibles, ou des méthodes fondées sur l’observation du cloaque, mais elles ne sont pas utilisées dans la colonie située près de la base, car on n’y manipule pas les animaux.

Chant de mâle empereur :

Chant de femelle empereur :

Chants de poussins (dans une crèche) :

Magnifique aurore du 4 juin, se reflétant sur la polynie…

Aurore au-dessus du 42